Loi de programmation militaire

La présentation en Conseil des ministres, le 4 avril 2023, du projet de loi relatif à la future loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM) a été plutôt bien accueillie par le monde médiatico-politique. On se permettra de garder une certaine réserve quant à cet enthousiasme au regard de trois points essentiels.

D’abord, le fait qu’un projet soit inscrit dans une LPM ne garantit en rien qu’il soit mené à bien…  À titre d’exemple, il sera rappelé que la construction d’un deuxième porte-avion, pourtant gravée dans la roche et inscrite dans la LPM 2003-2008, n’a pas été menée à son terme[1]

Ensuite et surtout, la politique de défense et les moyens qui lui sont attribués dépendent du budget voté ; il faut donc que le contenu de la LPM soit vraiment retranscrit chaque année dans le budget. Or, chacun sait qu’en la matière, comme le relevait le professeur Mathieu Conan, « la problématique générale qui caractérise les LPM réside essentiellement dans le manque de crédibilité susceptible de leur être conférée en matière d’exécution, compte-tenu des différentes expériences déjà menées » (Droit et Défense, 1994-4, pp. 21-22) ; trente ans après cette observation, les choses n’ont pas fondamentalement changé.

Enfin, et cela a déjà été relevé par le Haut Conseil des Finances Publiques, le montant des besoins programmés, est inférieur aux crédits identifiés susceptibles de las financer ce qui signifie soit une hausse des impôts, soit des baisses d’autres dépenses publiques ; comme l’écrit le HCFP, cela suppose « un effort de maîtrise important et, à ce jour, peu documenté, de la dépense »…

Comme le relevait le Général Desportes, ancien directeur du Collège interarmées de défense, après avoir été celui du Centre de doctrine et d’emploi des forces : « on le sait, aucune des lois  de programmation militaires n’a été rigoureusement exécutée. On peut même affirmer qu’il manquait en moyenne pour chacune d’elles, une à deux années de financement » (entretien donné au site internet Forces Opérations Blog, le 16 oct. 2013). Bref, s’il y a lieu de se réjouir de certaines des options annoncées, il faut garder en tête qu’en la matière, il y a loin de la coupe aux lèvres. Par ailleurs, le dépôt de cette PLM devant le Parlement, selon la procédure d’urgence, est l’occasion de revenir sur les Permanences et évolutions de la politique de défense de la France, à travers l’étude du contenu des différents Livres Blancs que la France a connu.


[1] Loi n° 2003-73 du 27 jan. 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (JO du 29, p. 1744). Le ministre de la défense estimera, le 20 avril 2008, que la situation budgétaire rendait difficile la construction de ce porte-avions, pourtant souhaitée par Nicolas Sarkozy lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2007. Depuis, il n’est plus question d’un second porte-avions, alors même que c’est la seule garantie d’une capacité et d’une présence maritimes permanentes…