1972-2013 : 40 ans de Livres blancs

Permanences et évolutions de la politique de défense de la France

Bertrand Pauvert, in Droit de la sécurité et de la défense, Annuaire 2014 du droit de la sécurité et de la défense, Ch. Vallar et X. Latour dir., PU Aix-Marseille, 2014, pp. 51-62.

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Résumé : De 1972 à 2013, quatre Livre blanc relatifs à la politique de défense de la France ont été remis aux Gouvernants. Par-delà leurs différences, ces Livres ont en commun d’établir un bilan des enjeux de sécurité et des menaces auxquels le pays est confronté et dessiner les moyens dont il doit se doter pour y répondre. L’étude de cette réflexion stratégique dessine l’État contemporain. L’étude de la politique de défense, telle qu’elle apparaît au miroir de ces quarante années de Livres blancs, permet de vérifier qu’au-delà de l’affirmation de l’outil de Défense c’est une véritable déconstruction de celui-ci qui se dessine au fil du temps.

Mots clés : Alliance atlantique – Défense – forces armées – livre blanc – loi de programmation militaire – LPM – Michel Debré – nucléaire – OTAN – politique de défense – sécurité – sécurité nationale – service militaire – service national – stratégie – white paper –

            Alors qu’en 1972 fut réalisé, à l’initiative de Michel Debré le Livre Blanc sur la Défense Nationale[1], un quatrième livre blanc vient d’être remis au chef de l’État[2], après deux ouvrages intermédiaires intervenus en 1994[3] et 2008[4]. Ces Livres visent à établir un bilan des enjeux et des menaces auxquels le pays est confronté et dessiner les moyens dont il doit se doter pour y répondre. Entre ces deux dates, de multiples évolutions se sont produites, tant sous l’angle géopolitique (effondrement du bloc soviétique, suprématie des États-Unis, prolifération des « zones grises »), que militaire (évolution des systèmes d’armes, recours au terrorisme comme arme de guerre, professionnalisation des armées, essor des sociétés militaires privées) ou politique et social (affaiblissement de la capacité financière des États, encadrement croissant de leur souveraineté -spécialement au niveau européen, fragmentation de la communauté nationale). De « l’indépendance stratégique » voulue par De Gaulle, sanctionnée par la possession de l’arme nucléaire et le retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN, à l’adaptation de plus en plus rapidement demandée aux Armées afin de coller à un « monde plus mobile, plus incertain, plus imprévisible » évoqué en 2008, les Livres Blanc reflètent nécessairement les enjeux du monde contemporain et la nécessité d’envisager l’avenir, les risques et les moyens d’y faire face. L’examen du contenu de ces Livres, qui ont pu servir de support aux différents projets de lois de programmation militaire votés par le Parlement français, permet de déceler un certain nombre de permanences, mais aussi d’évolutions, dans la prise en compte des menaces et des moyens d’y répondre. Toutefois, avant d’envisager les lignes de force gouvernant la politique de défense de la France et mettre en perspective les évolutions juridiques qu’elles commandent, c’est bien le principe même du recours à ces outils de communication politique que sont les Livres blanc qui doit être discuté ; au-delà, leur utilité même mérite d’être questionnée.

            A l’aune de la science administrative, un Livre blanc peut s’apparenter à la démocratie participative. Il ne s’agit en effet en aucun cas d’un engagement inaltérable, mais de s’efforcer de réaliser un double objectif : présenter des politiques publiques fermes et inviter dans le même temps à une réflexion sur celles-ci. Traduction adaptée de l’expression anglaise « white paper», le terme trouve son origine au Royaume-Uni où il visait initialement des documents gouvernementaux[5] ; il s’agissait d’un recueil d’informations destiné à un public choisi pour l’amener à prendre une décision sur un sujet donné. Son usage officiel a toutefois évolué depuis les années 1920 et aujourd’hui, les Livres blancs, sont des ouvrages réalisés pour le compte de l’État et préparés par des groupes de travail réunissant l’ensemble des acteurs intéressés par l’évolution d’un secteur (membres du Parlement, des partis, représentants des groupes d’intérêt et des administrations). Ces ouvrages visent le plus souvent à donner naissance à des décisions politiques, déterminer et mettre en œuvre les politiques publiques qu’elles induisent. Dès lors, né du besoin d’exprimer les intentions d’un gouvernement dans un contexte précis, un Livre blanc peut servir à établir une mise au point de portée générale ou à rechercher un consensus dans un cadre spécifique. Les Livres blancs portant sur des questions de Défense furent présentés au Royaume-Uni au milieu des années 1950[6] et c’est sur ce modèle que la France décida de recourir à ce mode de réflexion prospective sur sa Défense. C’est en 1972 et à l’instigation de Michel Debré que fut réalisé le Livre Blanc sur la Défense Nationale. Un deuxième Livre blanc portant le même titre sera réalisé en 1994 à la demande du Premier ministre, Édouard Balladur, avant qu’en 2008 ne soit remis au chef de l’État le Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale. Réalisé à la demande de François Hollande, le Livre blanc 2013 de la défense et de la sécurité nationale, est le quatrième ouvrage officiel traitant de la stratégie de défense de la France.

            Pour autant et au-delà de l’intérêt même de leur contenu, l’utilité de ces Livres peut être questionnée. En effet, si ces livres visent à établir et définir une stratégie globale de Défense et de Sécurité pour la France, ils n’en restent pas moins de simples déclarations d’intention. Si un Livre blanc se veut une source d’inspiration pour le pouvoir politique, celui-ci n’en reste pas moins libre de suivre ou pas les orientations dessinées. Ce sont alors les Lois de programmation militaire qui retracent l’engagement financier pluriannuel de l’État, déterminant les crédits d’équipement et de recherche affectés au Ministère de la Défense au cours de la période à venir ; ces lois opèrent la traduction législative des lignes de force esquissées dans un Livre blanc. Or, la politique de défense et les moyens qui lui sont attribués dépendent en tout état de cause en France de la volonté présidentielle qu’entérine le vote des parlementaires. Ce sont donc bel et bien les seules lois pluriannuelles de programmation militaire votées par le Parlement qui font foi et cela sous réserve que les orientations validées soient explicitement retranscrites chaque année dans le budget ; un auteur averti ayant pu relever « la problématique générale qui caractérise les lois de programmation militaire réside essentiellement dans le manque de crédibilité susceptible de leur être conférée en matière d’exécution, compte-tenu des différentes expériences déjà menées »[7]. L’argent étant le nerf de la guerre, il ne sera guère surprenant de constater que Livres blancs et lois de programmation portent les stigmates sans cesse plus apparents des difficultés budgétaires connues par la France. La presse s’en faisant elle-même l’écho, notant que la réalisation du dernier Livre « a été bouleversée par la contrainte du retour à l’équilibre des comptes publics »[8].

            Ces éléments rappelés, l’analyse du contenu de ces Livres blancs sur quarante ans permet de dessiner les évolutions du monde, les dangers auxquels est susceptible d’être confrontée la France et les moyens envisagés pour y faire face. En contrepoint, l’étude de cette réflexion stratégique dessine l’État contemporain. L’étude de la politique de défense, au miroir de ces quarante années de Livre blancs, permet de vérifier qu’au-delà de l’affirmation de l’outil de Défense (I) peut être constatée une véritable déconstruction de celui-ci (II).

1-L’affirmation de l’outil de Défense

            L’évolution du monde et des risques qu’il recèle rend nécessaire l’actualisation périodique de la politique de défense du pays ; si certains éléments fondamentaux restent invariants, comme la nécessité de protéger le sanctuaire national, d’autres connaissent des évolutions justifiant une adaptation stratégique (A). Une fois le jugement des risques et des enjeux effectué, il importe d’y apporter une réponse d’ordre tactique qui permette d’étalonner nos forces armées aux différents scenarii (B).

A-L’adaptation stratégique ou le jugement des défis et des enjeux

            La mesure des défis et des enjeux auquel est confronté le pays est une nécessité continue et conduit à adapter la stratégie nationale aux risques identifiés ; il s’agit de la traduction du jugement porté sur ces risques. S’observe alors une conceptualisation accrue des enjeux et une extension des sources nourrissant la réflexion sur les impératifs de la défense du pays.

            L’évolution internationale est toujours cause d’inflexions de la pensée stratégique. En tout état de cause ce sont bien ces évolutions qui justifient la réalisation de nouveaux Livres. Si, en 2008, le président de la République relevait « la politique de défense et de sécurité de la France est, à nouveau, à la croisée des chemins. Quatorze années après le précédent Livre blanc, la mondialisation a profondément modifié la vie économique comme la vie quotidienne et les relations internationales. De nouvelles puissances ont émergé et de nouvelles vulnérabilités se sont révélées »[9], son successeur ne dit pas autre chose[10], quand le précédent opus rappelait la nécessité de « discerner l’essentiel dans les mutations accélérées de notre environnement qui accompagnent cette fin du vingtième siècle »[11]. Cela ne se vérifiait pas en 1972, le Livre blanc apparaissant alors plus comme une formalisation des principes relatifs à la défense de la France et déjà pour partie énoncés dans l’ordonnance de 1959, que comme une véritable œuvre prospective[12]. Se vérifie ainsi une continuité quant à la conscience de la nécessité de toujours actualiser le jugement des défis et des enjeux auxquels est confronté le pays. Dès lors, nulle surprise à ce que derrière des changements de forme et de fond dans la structure de ces Livres, apparaisse une continuité essentielle, celle de la détermination des risques auxquels la France peut être amenée à faire face[13]. Si les personnalités ayant mené débats et réflexions préalables à la rédaction de ces Livres sont de profils différents, ils sont toujours de grands serviteurs de l’État[14] ; si chacun des ouvrages a connu des évolutions dans sa forme[15] ou quant aux modalités de sa réalisation[16], tous révèlent cette continuité.

            Si l’objectif reste le même, une évolution quant aux moyens de sa réalisation se dessine. Il est en particulier possible de remarquer au fil du temps une conceptualisation accentuée des défis et des enjeux. Cette extension de la réflexion, visible jusque dans les titres retenus, a conduit à une affirmation plus globale des enjeux de défense et de sécurité. Sur cet aspect, la césure est réellement intervenue en 2008, avec le passage d’une réflexion centrée sur la Défense, envisagée de manière assez stricte[17], à une approche plus globale prenant en compte l’idée de sécurité nationale ; approche non remise en cause en 2013. Cette inflexion est d’ailleurs revendiquée par les auteurs : « ce Livre blanc introduit une innovation majeure dans la définition de la stratégie de la France. Il expose une stratégie non seulement de défense, mais aussi de sécurité nationale »[18]. A première vue, il s’agit d’un élargissement du concept permettant une meilleure prise en compte des enjeux et menaces auxquels peut être confrontée la France : à seconde vue, cet élargissement doit être mis en corrélation avec la réduction drastique du format de nos armées. Si il y a lieu de se réjouir de la mise en avant d’une vision globale de la défense et de la sécurité, la logique pourrait être celle du faire plus avec moins…

            Cette appréhension élargie de la défense va de pair avec l’essor, ces dernières années, du recours à des rapports connexes visant à envisager des points particuliers s’apparentant à l’impératif global de sécurité nationale. Cela est logique puisque la globalité du concept de sécurité nationale implique le recours à des approches croisées. C’est ainsi que les conséquences du retour de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN, les questions de l’avenir de la relation transatlantique et des perspectives de l’Europe de la Défense ont fait l’objet d’une étude spécifique dont les principales conclusions seront reprises dans le Livre blanc de 2013[19] ; de manière quasi concomitante fut encore rendu un rapport sur la sécurité publique[20]. Le même constat avait pu être effectué en 2008[21]. Ces différents rapports, même non strictement axés sur la Défense, abordent nombre d’éléments l’intéressant directement ; s’il y a lieu de se réjouir d’une large réflexion, les plus pessimistes y verront une dilution de la pensée dont résultera l’affadissement de la notion de Défense, qui pour être pensée globalement s’éloigne de son cœur de mission.

            Alors, si le jugement perpétuellement réévalué des défis et des enjeux auxquels est confronté la France conduit nécessairement à des adaptations stratégiques pour y faire face, il conduit, par voie de conséquence à reconstruire une réponse opérationnelle diversifiée permettant une adaptation des tactiques utilisées aux situations identifiées.

B-L’adaptation tactique ou l’étalonnement de la réponse opérationnelle

            D’une stratégie découle une tactique. Dès lors que les enjeux stratégiques sont réévalués, il est naturel qu’en découlent certaines adaptations tactiques permettant un étalonnement de la réponse opérationnelle aux menaces identifiées. Les Livres blancs opèrent cette relecture des enjeux dont découle l’adaptation des forces aux nécessités du temps ; certains dogmes restent toutefois hors de toute discussion, en particulier celui de l’outil nucléaire.

            La relecture des enjeux stratégiques conduit à l’adaptation des réponses tactiques. De manière liminaire sera relevé que la fréquence du recours à ces Livres suscite l’interrogation.Vingt-deux ans séparent le premier opus du deuxième et quatorze années celui-ci du troisième, lequel n’a précédé le dernier que d’un lustre. En retenant que le Livre de 1972 opérait une conceptualisation théorique de dispositions figurant dans l’ordonnance de 1959, se constate la très nette accélération de la fréquence. Si l’actualisation de 1994 se justifiait par la rupture que constitua l’effondrement du bloc soviétique, les modifications intervenues depuis soulèvent plus d’interrogations. Si la réalisation d’un nouvel opus en 2008 peut encore se justifier par l’entrée pleine et entière dans l’ère de la mondialisation, on a du mal à concevoir qu’il y ait eu une évolution réelle et profonde du contexte géostratégique si importante depuis qu’elle nécessite une mise à jour si rapide de la réflexion ; d’ailleurs, le Livre de 2008 prétendait dessiner une analyse stratégique pour quinze années, à l’horizon 2020-2025[22]. Cette accélération ne devrait pas se ralentir, étant désormais quinquennalement programmée[23].

            Le réexamen du monde et l’évaluation actualisée des menaces qui en découle conduit à proposer l’adaptation du format des Armées aux menaces existantes. De même, ce sont les modes d’actions qui sont rediscutés et étalonnés aux nouveaux enjeux. Le recours aux drones, non évoqué en 1994[24], est désormais récurrent, tandis que le mot devient omniprésent dans les Livres de 2008 et 2013[25]. Pareillement, l’importance prise par les réseaux informatiques explique que si le concept n’est mentionné qu’à six reprises dans le Livre de 1994, il ne figure pas moins de trente-cinq fois dans le Livre de 2008[26]. Les concepts de guerre informatique[27] ou de cyberattaques[28] sont ainsi récurrents quand l’opus antérieur ne les évoquait pas. Sous un angle plus classiquement militaire, la notion de « forces spéciales » non évoquée en 1972, se voit mentionnée à deux reprises en 1994 et 2008, quand le Livre de 2013 ne l’évoque pas moins de treize fois et en fait l’un des axes-clés de l’armée, à l’horizon 2025[29]. De même de la référence à la nécessité du renseignement qui apparaît désormais comme l’une des priorités de notre pays ; si le terme figure moins de cinq fois dans le Livre de 1972, il est beaucoup plus présent en 1994 et devient depuis omniprésent[30] pour se voir promettre un soutien politique et financier sans faille[31].

            Enfin, s’il est un point qui ne souffre l’objet d’aucune discussion, c’est le dogme nucléaire. S’il se vit clairement revendiqué en 1972, lorsque la stratégie de dissuasion nucléaire fut officiellement consacrée et plaça au centre du dispositif militaire français l’arme nucléaire, l’évolution de l’environnement politico-stratégique n’a pas conduit à la moindre inflexion de ce point névralgique de notre Défense. Cela est parfois même revendiqué : « les évolutions stratégiques ne modifient pas les principes de la dissuasion nucléaire »[32] ; de même et dans un contexte encore différent, il est affirmé en 2008 que « la dissuasion nucléaire demeure un fondement essentiel de la stratégie de la France »[33]. Le changement de présidence intervenu en 2008 n’apporte aucun changement quant à la nécessité du nucléaire, étant relevé que la protection de la France « ne saurait être assurée sans la capacité de dissuasion et d’intervention. La dissuasion nucléaire protège la France contre toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. Elle écarte toute menace de chantage qui paralyserait sa liberté de décision et d’action »[34]. Une telle affirmation va d’ailleurs encore plus loin que par le passé quant à la nécessité du nucléaire ; il sera toutefois possible de ne pas céder à l’optimisme béat aboutissant à considérer que cette capacité de dissuasion « écarte toute menace de chantage »…

            A ce point de la réflexion se dessinent inflexions et continuités, qui apparaissent largement tributaires des considérations circonstancielles analysées par les différents Livres. Il y a bien une affirmation principielle de l’outil de défense, qui repose sur une perpétuelle adaptation stratégique se déclinant dans des considérations tactiques modulant la réponse opérationnelle au gré des circonstances. La réflexion doit être poursuivie, puisqu’au-delà de l’affirmation de l’outil de défense qu’ils promeuvent, les Livres blancs ont surtout entériné sa déconstruction.

2-La déconstruction de l’outil de Défense

            Cette hypothèse pourrait, de manière finalement anecdotique, se déduire de la fréquence des rapports rendus ; en effet, l’accélération du rythme de publication des Livres blancs peut se comparer à la fréquence des révisions de la Constitution de 1958[35]. S’observe alors un excès de forme cachant mal la perte de substance. Derrière la précision des concepts élaborés et la diversité des scenarii, se dessine tant la destruction technique de l’outil de défense, par l’affaiblissement de la capacité opérationnelle des Armées (A), que sa destruction politique résultant du reniement de l’indépendance nationale entériné (B).

A-La destruction technique ou l’affaiblissement de la capacité opérationnelle

            Au-delà des discours officiels sur la pérennité de l’outil de Défense et la permanence de sa prise en compte, la réalité par tous constatée depuis de nombreuses années est bien celle de la constante réduction du niveau des forces. Si la réduction de format est supposée traduire une meilleure adaptation à de nouveaux enjeux, derrière les mots se dissimule la réalité de la perte de la capacité d’engagement opérationnel de nos armes. Si cela se voit acté par les Livres, cela se voit accentué par la pratique des lois de programmation militaire (LPM).

            L’examen du contenu des différents Livres Blancs révèle d’abord une constante réduction du niveau des forces armées françaises. Cette réalité se vérifie à l’observation du volume global des forces. Les effectifs passent ainsi d’un volume (toutes armes confondues) d’environ 400 000 hommes en 1994, à un total de 271 000 en 2008, ramené à 225 000 en 2013, les réductions se poursuivant, entérinées par le Livre blanc de 2013, pour atteindre un peu moins de 200 000 hommes à l’horizon 2017[36] !  Le résultat symbolique est atteint, car avec le format suggéré, l’Armée de terre toute entière pourra être réunie dans le seul Stade de France[37] ! Le volume des forces prépositionnées dans le monde obéit également à cette décrue, puisqu’il passe ainsi de 30 000 hommes au cours des années 1960 à 15 000 en 1980, pour être réduit à moins de 10 000 depuis 2008 et environ 8 000 aujourd’hui[38]. Enfin, ce qui est vrai des hommes se vérifie des matériels également. Le nombre de chars lourds nécessaires pour assurer la défense nationale passe ainsi de 450 en 1994 à 250 en 2008, pour n’être plus que de 200 en 2013[39]. L’Armée de terre n’est bien évidemment pas la seule à être touchée par ce mouvement de fond et les autres Armes en supportent également leur part : l’aviation voit le nombre de ses aéronefs de combat passer de 450 appareils en 1994 à un nombre de 225 en 2013[40], quand, de la même manière, la Marine perd environ ¼ de ses matériels[41].

            Ensuite, la lecture des Livres blancs permet de constater, là encore, sans aucune erreur possible -mais ceci n’étant que la résultante des observations précédentes- une perte très nette de la capacité d’engagement opérationnel de nos Armées. Moins nombreuses en valeur absolue, nos forces ne disposent désormais plus que d’une capacité d’intervention réduite. L’examen des différents Livres témoigne sans contestation possible de cette diminution des capacités d’engagement opérationnel. Si l’ensemble des forces utilisables était estimé en 1994 à 130 000 hommes projetables, ce chiffre était ramené en 2008 à 88 000 hommes pour l’armée de terre quand le Livre blanc de 2013 le descend encore à 66 000[42] ; soit une baisse de 50% des effectifs susceptibles d’être engagés, cela en moins de vingt ans ! Le même scenario se répète pour les forces dites d’intervention immédiates : si 5 000 combattants sont immédiatement projetables d’après l’étude réalisée en 2008, 2013 ne prévoit que 2 300 hommes au sein de la « nouvelle » force interarmées de réaction immédiate[43].

            Enfin, chacun doit garder en mémoire qu’à ces éléments déjà inquiétants en valeur absolue, doit être ajouté le fait que les lois de programmation militaire, qui elles seules font budgétairement foi, n’opèrent pas nécessairement des retranscriptions fidèles des contenus présentés comme nécessaires ou indispensables dans les Livres blancs. A titre d’exemple sera rappelé que la construction d’un deuxième porte-avion, pourtant prévu dans le Livre blanc de 1994 et par la loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, n’a pas été menée à son terme[44]… De manière tout aussi révélatrice, l’automne 2013 voit le report de l’examen et de la discussion du projet de loi de programmation militaire (2014-19), les discussions débutant au Parlement en décembre ; en conséquence, le premier budget transcrivant cette future LPM (budget 2014) a été voté, alors même que cette LPM n’avait encore été ni votée, ni même débattue[45]. La chose semble dès lors acquise, quelle que puisse éventuellement être la pertinence des concepts dessinés dans les Livres blancs, la réduction du format des forces est le produit d’une décision politique qu’aggrave la pratique des LPM et qui « entraîne notre Défense vers un déclin programmé »[46]. Les voix sont désormais nombreuses, au sein des Armées ou issues d’elles à dénoncer le sort fait à nos Armes et c’est un des observateurs les plus avisé, qui relève : « on le sait, aucune des lois  de programmation militaires n’a été rigoureusement exécutée. On peut même affirmer qu’il manquait en moyenne pour chacune d’elles, une à deux années de financement »[47].

            Cet affaiblissement de la capacité opérationnelle des forces armées qu’illustre la lecture et la pratique des Livres blancs, reflet d’une diminution technique que personne ne conteste réellement, se double d’une destruction politique de l’outil de Défense.

B-La destruction politique ou le reniement de l’indépendance nationale

            Si le concept stratégique se veut toujours plus réfléchi et les scenarii plus précisément présentés, ainsi que les moyens d’y répondre, il n’en est pas moins vrai que ces ouvrages de réflexion et de conceptualisation de notre Défense tendent à n’apparaître que comme de vaines réflexions masquant mal la destruction méthodique de nos Armées. Au-delà de la perte de substance de celles-ci, sera relevé que les éléments essentiels de notre politique de Défense ne furent pas envisagés au sein des différents Livres. De même, la question pourtant essentielle de la place de la France dans l’Alliance atlantique n’y fut pas réellement traitée, quand certaines absences conceptuelles peuvent encore y être pointées.

            Les éléments essentiels inhérents à la politique de défense et à la survie de la nation ne figurent pas dans les Livres Blancs. Ainsi de la suppression du service national. Extrêmement valorisé en 1994, il se verra pourtant purement et simplement supprimé moins de deux ans après avoir été présenté comme le « meilleur gage de l’attachement de la nation et des citoyens à leur défense »[48]. Cela n’est d’ailleurs pas totalement nouveau. Sera ici rappelé que le service national s’était vu remettre en cause dans sa pertinence opérationnelle lorsque Mitterrand lors de la première guerre du Golfe, refusa d’y envoyer tout appelé du contingent, rompant avec la doctrine d’utilisation des forces jusqu’alors établie… Cette décision unilatérale, non envisagée dans une quelconque étude préalable remettait clairement en cause le modèle de Défense française, tel qu’il était issu du Livre blanc de 1972 et de l’ordonnance du 7 janvier 1959. L’absence d’étude d’éléments fondamentaux de notre Défense dans les Livres blancs se vérifie aussi en ce qui concerne la question des essais nucléaires militaires. La décision de ne plus procéder à des essais nucléaires résulta d’une décision Mitterrandienne d’avril 1992 ; ce moratoire fut rompu par Jacques Chirac pour une dernière série d’essais, de 1995 à 1996. Or, ces questions ne furent pas envisagées un instant dans le Livre blanc rendu en 1994 ; ni l’opportunité du moratoire, ni celle de le suspendre…

            Autre élément de taille qui brille par son absence, c’est la question de la place de la France dans l’Alliance atlantique. Alors qu’il est affirmé en 1994 que les évolutions internationales n’étaient « pas de nature à modifier notre situation militaire particulière au sein de l’OTAN. Les principes posés en 1966 (…) continueront de guider nos relations avec l’organisation militaire intégrée »[49] et que la participation de la France au Conseil atlantique ou au Comité militaire ont vocation à être « décidées au cas par cas »[50], il est décidé un an plus tard que la France rejoignait de manière permanente ces structures[51]. De même, dès 2004, des officiers français réintègrent les structures permanentes de commandement de l’OTAN, en vertu d’un accord passé entre le chef d’état-major des armées françaises et le commandant suprême allié en Europe[52] ; ce ne sera qu’en 2008 qu’un Livre blanc appellera à développer cette approche, entérinant simplement une pratique non anticipée. Dès lors, la préconisation de procéder à une pleine participation de la France aux structures de l’OTAN[53], n’apparaît pas comme un choix pour l’avenir résultant d’une mise en balance d’avantages et d’inconvénients, mais comme la conséquence inéluctable d’une situation bâtarde résultant de choix déjà effectués[54]. Le Livre de 2008 entérine la réalité d’une pratique sans réellement s’interroger sur sa pertinence, tout en grimant cette position d’une continuité avec la précédente[55]. Notre horizon stratégique naguère marqué par l’indépendance et la souveraineté semble désormais cadenassé à l’approche transatlantique ce qu’entérine le texte de 2013 : « notre stratégie de défense et de sécurité nationale ne se conçoit pas en dehors du cadre de l’Alliance Atlantique et de notre engagement dans l’Union européenne »[56].

            La lecture des Livres blancs est tout aussi intéressante au regard des silences qu’elle révèle et certaines absences, révélatrices, illustrent l’utilité très relative de ces ouvrages. Pour s’en tenir au dernier opus et alors même que le concept de « sécurité nationale » invite à envisager celle-ci de manière globale, pas une ligne n’y est consacrée à l’hypothèse et aux modalités d’une intervention de nos armées sur le sol national[57]. Scenario loin d’être totalement hypothétique eu égard aux multiples fractures de la société française[58]. La zone des intérêts de la France en Afrique s’avère des plus larges, allant de l’Atlantique au golfe Persique : vaste espace s’éloignant des terres traditionnelles de l’influence française[59]. En outre, estimer que « le Sahel, de la Mauritanie à la Corne de l’Afrique, ainsi qu’une partie de l’Afrique subsaharienne sont également des zones d’intérêt prioritaire pour la France », aboutit à faire de la moitié de l’Afrique une zone prioritaire ! Faire de la moitié d’un continent une zone prioritaire apparaît peu conforme à la pensée stratégique et reflète « l’absence de critères politico-militaires d’intervention, le flou des priorités géopolitiques et l’absence de gestion des engagements dans le temps »[60]. Une dernière preuve de la limité conceptuelle des Livres blancs vient d’être apportée par le chef d’état-major des armées lui-même. Entendu au Sénat, il y présentait la nouvelle doctrine française d’emploi des forces lors des opérations extérieures, le hit and transfer[61]. Déclaration officielle, quatre mois après qu’ait été présenté le dernier Livre blanc qui n’évoque pas un seul instant cette doctrine supposée constituer la trame de nos interventions[62]. Le constat s’impose quant à la pertinence de ces Livres, c’est « rien moins que la démarche intellectuelle conduisant à la définition des capacités et moyens de l’outil militaire qui est à repenser »[63].

            Qu’ajouter après un tel tour d’horizon ? Simplement relever que ces Livres, désormais promis à actualisation quinquennale ont finalement tout autant de valeur que les fantastiques résultats de productivité de Stakhanov. Des mots, de belles études, un plan-média comme disent les publicitaires ; mais la réalité d’Armées réduites à des variables d’ajustement budgétaire d’un pays ayant oublié l’ardente nécessité du si vis pacem… Prions Mars qu’il nous épargne les conséquences de cette terrible cécité volontaire.


[1] Livre blanc sur la défense nationale, CEDOCA, 2 t., 1972 & 1973. Ce fut le premier opus français de ce type.

[2] Livre Blanc – Défense et sécurité nationale, La Doc. fr., Paris, 2013.

[3] Livre blanc sur la Défense, La Doc. fr., 1994.

[4] Défense et Sécurité nationale – Le Livre Blanc, Odile Jacob & La Doc. fr., 2 t., 2008.

[5] Le premier exemple reconnu d’un tel ouvrage fut celui présenté par Churchill en 1922 ; appelé Livre blanc britannique de 1922, ce texte précise et clarifie la façon dont la Grande-Bretagne considérait la Déclaration Balfour de 1917. Churchill était alors secrétaire d’État aux Colonies.

[6] Parmi les Livres blancs britanniques peuvent être cités : 1957 Defence White Paper, 1966 Defence White Paper, 1981 Defence White Paper, 1990 Options for change, 1994 Front line first, 1998 Strategic Defence Review, 2003 Delivering security in a changing world, 2005 Defence Industrial Strategy et 2010 Strategic Defence and Security Review.

[7] Mathieu Conan, « Les limites juridiques de la programmation militaire », Droit et Défense 1994-4, pp. 21-22. Vingt ans après cette observation, les choses n’ont pas fondamentalement changé.

[8] Julie Ducamp, « Le quatrième Livre blanc de la défense depuis 1972 », Le Monde, 25 mars 2012.

[9] Nicolas Sarkozy, Livre Blanc 2008, p. 9.

[10] Pour François Hollande, « j’ai en effet considéré que l’état du monde appelait de nouvelles évolutions stratégiques », Livre Blanc 2013, p. 7 ; v. aussi p. 9.

[11] Livre blanc 1994, p. 4.

[12] Le caractère figé de l’opposition entre blocs n’offrait alors pas de perspectives réelles d’évolution.

[13] Sous cet angle, il a d’ailleurs pu être relevé : « la continuité l’a emporté sur les changements, les inflexions et les adaptations nécessaires. La matrice est restée la même », Daniel Colard, « La Ve République et les trois livres blancs sur la défense et la sécurité de la France », Arès, 2008, n° 60, p. 144.

[14] Rédacteur du livre remis en 1994, Marceau Long était alors vice-président du Conseil d’État, quand l’auteur de celui de 2008, Jean-Claude Mallet relevait également de cette haute institution ; Jean-Marie Guéhenno, rédacteur du livre de 2013, est pour sa part magistrat financier et familier des Affaires étrangères.

[15] Le premier opus comportait deux tomes assez modestes (t. 1 : 69 p. & t. 2 : 105 p.), comme le sera le deuxième (un volume d’environ 180 p.) ; en revanche le Livre blanc de 2008 réunit deux forts volumes (t. 1 : 350 p. & t. 2 : 415 p.), quand le dernier revient à des proportions plus humbles (160 p.).

[16] Au-delà des habituelles auditions d’experts civils ou des Armées, de représentants officiels ou d’entreprises de la Défense, les dernières consultations ont permis la participation publique par contributions volontaires.

[17] Le passage de la notion de Défense nationale en 1972 à celle de Défense en 1994 ne traduit pas une rupture, car la Défense, envisagée dans le cadre d’un Livre blanc officiel, est nécessairement d’abord nationale. De plus, la lecture du livre de 1972, témoigne de ce que la Défense n’y était pas envisagée dans un cadre étriqué et strictement « national », étant déjà relevé que la France, « partie du continent européen, entend participer à sa mesure à la défense de l’Europe en cas de crise localisée comme de menace globale », Livre Blanc 1972, p. 20.

[18] Livre Blanc 2008, p. 16.

[19] Hubert Védrines, Rapport sur les conséquences du retour de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN, sur l’avenir de la relation transatlantique et les perspectives de l’Europe de la Défense, nov. 2012. Les recommandations du rapport (pp. 21-23) seront quasi intégralement reprises dans le Livre blanc de 2013 (v. pp. 61-68), notamment en matière de mutualisation des projets de recherche et des dépenses : concept otanien de smart Defence, initiative pooling and sharing (mutualisation et partage).

[20] Alain Bauer et Michel Gaudin, Livre blanc sur la sécurité publique, La documentation française, nov. 2011, 208 p.

[21] Voir l’article de Patrice Buffotot, « Le livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale », Arès 2008, n° 60, p. 134 : « une démarche parallèle au Livre blanc ». Peuvent aussi être mentionnés : HCFDC, Livre blanc sur la Défense civile, juin 2003, 99 p. ; Livre blanc du Gouvernement sur la sécurité intérieure face au terrorisme, oct. 2006, 144 p.

[22] « Le Livre blanc dresse une analyse stratégique pour les quinze ans à venir et en tire les conséquences pour l’élaboration d’une nouvelle politique de défense et de sécurité », Le Livre Blanc, 2008, p. 313.

[23] « La stratégie de défense et de sécurité nationale vise à définir les principes, les priorités, les cadres d’action et les moyens qui assureront dans la durée la sécurité de la France. Elle sera désormais régulièrement révisée tous les cinq ans, tout en continuant de se situer dans une perspective de long terme », Livre Blanc 2013, p. 9. En 2008 figurait une réévaluation périodique sans date ferme, le livre devant être « régulièrement actualisé, avant chaque loi de programmation militaire comme de sécurité intérieure », Livre blanc 2008, p. 314. Or, une stratégie à cinq ans, nous semble plutôt relever de la tactique…Qui plus est, sitôt élu, Emmanuel Macron s’empressa de renoncer à cet engagement, chargeant Arnaud Danjean, d’établir une « Revue stratégique de défense et de sécurité nationale » qui fut rendue au chef de l’Etat en octobre 2017 ; voir, Bertrand Pauvert, « Sécurité et défense dans la présidentielle 2017 », in Annuaire 2018 du droit de la sécurité et de la défense, B. Warusfel et F. Baude dir.,Mare-Martin, 2018, pp. 277-291.

[24] Alors même que de nombreux États travaillent alors déjà sur des drones armés.

[25] Vingt-quatre occurrences en 2008 (350 p.), treize en 2013 (160 p.), ce qui révèle une forte prise en compte.

[26] Et quinze fois en 2013, pour un volume de pages plus de deux fois inférieur.

[27] Livre blanc 2008, p. 58 ; Livre blanc 2013, p. 45.

[28] Sept occurrences dans le Livre blanc 2013, qui évoque aussi cybermenaces et cyberdéfense. En 2008, une seule occurrence révélait alors la cyberguerre, concept encore peu prégnant : Livre blanc 2008, p. 106. 

[29] « Les forces spéciales se sont imposées comme une capacité de premier plan dans toutes les opérations récentes. (…) Leurs effectifs et leurs moyens de commandement seront renforcés », Livre blanc 2013, p. 94. V. aussi p. 139.

[30] Quarante-cinq occurrences en 1994, pour près de cent cinquante en 2008 et quatre-vingts en 2013 (toujours pour plus de deux fois moins de page).

[31] « Notre capacité de décision souveraine et d’appréciation autonome des situations, repose sur la fonction connaissance et anticipation, qui recouvre notamment le renseignement, domaine dans lequel notre effort sera accru. Les capacités techniques de recueil et d’exploitation du renseignement seront renforcées (…), le renseignement intérieur fera l’objet d’une attention particulière. L’accroissement des moyens que la Nation consacre au renseignement s’accompagnera de manière concomitante d’un renforcement des capacités de pilotage stratégique et d’évaluation de l’exécutif sur le renseignement », Livre blanc 2013, p. 137.

[32] Livre blanc 1994, p. 50. Il est noté : « l’articulation entre les moyens nucléaires et les moyens conventionnels est amenée à évoluer (…), la dissuasion elle-même reste la base de notre stratégie », ibid., pp. 53 et 54.

[33] Livre blanc 2008, p. 69.

[34] Livre blanc 2013, p. 69.

[35] Si la norme suprême a été révisée cinq fois en trente-cinq ans (de 1958 à 1992), seules deux de ces révisions furent d’importance (réforme du mode d’élection du chef de l’État et saisine parlementaire facultative du Conseil constitutionnel), elle ne l’a ensuite été pas moins de dix-neuf fois en vingt ans ! Sans que cette danse des révisions n’ait d’ailleurs permis de résoudre aucun des dysfonctionnements structurels identifiés.

[36] Il est d’ailleurs à noter que la dernière mouture du Livre, celle de 2013, ne mentionne d’ailleurs même pas exactement le nombre de militaires de nos Armées.

[37] Si le stade possède 81 000 places assises, on relèvera que lorsque le groupe U2 s’y produisit, le 18 septembre 2010, on compta plus de 96 000 entrées…

[38] Livre Blanc 2008, p. 156.

[39] Livre Blanc 2008, p. 224 et Livre Blanc 2013, p. 139.

[40] Y compris les appareils de l’aéronavale : Livre Blanc 1994, p. 6 et Livre Blanc 2013, p. 96.

[41] Le nombre de navires nécessaire à la France est estimé à près de 70 dans le Livre Blanc 1994 (p. 101), quand il atteint à peine 50 dans le Livre Blanc 2013 (p. 95).

[42] Livre Blanc 1994, p. 92 ; Livre Blanc 2008, p. 224 et Livre Blanc 2013, p. 139.

[43] Livre Blanc 2008, p. 317 et Livre Blanc 2013, p. 91.

[44] Loi n° 2003-73 du 27 jan. 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (JO du 29, p. 1744). Le ministre de la défense estimera, le 20 avril 2008, que la situation budgétaire rendait difficile la construction de ce porte-avions, pourtant souhaitée par Nicolas Sarkozy lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2007. Aujourd’hui il n’est plus question d’un second porte-avions…

[45] Cela n’est cependant certes pas la première fois, que cette situation se présente.

[46] Gaux (2S) Marc Allamand et Jean-Pierre Soyard, Club des sentinelles de l’agora ; le Gal Allamand fut notamment chef de l’état-major  interarmées de  planification opérationnelle. Ils ajoutent « Les choix en matière de Défense relèvent du « Fait  du Prince », de la seule volonté du Président de la République qui a décidé de ne pas accorder de priorité budgétaire au ministère de la Défense et de sanctuariser, sans aucune concertation, la Dissuasion nucléaire. Les réductions homothétiques de nos forces conventionnelles depuis plusieurs décennies, outre le fait qu’elles affaiblissent irrémédiablement leurs capacités, voire les fassent perdre, n’ont jamais été en concordance avec les LPM », « Livre blanc : deux généraux dénoncent « le déclin programmé de la défense de la France » », Didier Chalumeau, 16 mai 2013, http://www.securitedefense.nicematin.com/2013/05/livre-blanc-deux-généraux-dénoncent-le-déclin-programmé-de-la-défense-de-la-france.html. V. le « Manifeste des Sentinelles de l’Agora pour la sauvegarde des armées », rendu public début octobre 2013, qui s’inquiète de la même manière : http://www.lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2013/10/02/sentinelles-10357.html. L’inquiétude est relayée au sommet de l’Etat : « Loi de programmation militaire : entre consensus et inquiétude », Public Sénat, 3 oct. 2013 : http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/loi-programmation-militaire-entre-consensus-inqui-tude-429902.

[47] Vincent Desportes, entretien donné au site internet Forces Opérations Blog, le 16 oct. 2013 ; général, il fut directeur du Collège interarmées de défense jusqu’en 2010, après avoir dirigé le Centre de doctrine et d’emploi des forces : http://www.forcesoperations.com/2013/10/16/interview-general-desportes-sur-la-lpm/

[48] Livre blanc 1994, p. 95. Il était encore noté « Le service national demeure aussi le mode de recrutement le plus adapté au cadre et au contexte de la stratégie, des objectifs, et de la politique de défense de la France, comme aux moyens qu’on peut y consacrer », ibid., p. 94.

[49] Livre blanc 1994, pp. 36-37.

[50] Ibid., p. 37

[51] 5 déc. 1995.

[52] Livre blanc 2008, p. 108.

[53] Livre blanc 2008, p. 316.

[54] Sera encore relevé sur cette question, que la Loi de programmation militaire votée en 1996 s’engageait déjà explicitement en faveur d’une politique de défense fondée sur l’Union européenne et l’OTAN… Loi n° 96-589 du 2 juil. 1996 relative à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002 (JO du 3, p. 9985).

[55] Il est relevé que les principes restent identiques, seule leur traduction opérationnelle et technique évoluant. Quant à la position gaullienne, ses principes : « demeurent, mais les transformations de l’environnement international, l’évolution de l’Alliance Atlantique, l’engagement de la France dans les nouvelles missions de l’Alliance, nous invitent à en revoir la traduction quarante ans plus tard », Livre Blanc 2008, p. 108.

[56] Livre Blanc 2013, p. 134. Termes soulignés par nos soins.

[57] En dehors de la participation des armées, évaluée à 10 000 hommes, en cas d’intempéries exceptionnelles ou de catastrophes : « les armées apportent en renfort des forces de sécurité intérieure et de sécurité civile un concours qui pourra impliquer jusqu’à 10 000 hommes des forces terrestres, ainsi que les moyens adaptés des forces navales et aériennes », Livre blanc 2013, p. 134, reprise quasi mot pour mot du Livre blanc 2008, p. 223.

[58] A l’automne 2013, il est relevé par les services de la DCRI que plusieurs centaines de Français combattent en Syrie où ils acquièrent une compétence et des savoir-faire réutilisables sur le sol de France. V. de Jacques Follorou, « Le nombre de combattants étrangers en Syrie est en forte augmentation », Le Monde, 16 oct. 2013.

[59] Selon certains analystes politiques, « le Livre blanc reprend la vision américaine de l’ordre mondial. La menace viendrait d’un arc de crise allant de l’Atlantique à l’Océan indien : il n’est pas difficile d’y voir le « greater Middle East », objet de toutes les préoccupations américaines », Mouvement Républicain et Citoyen, « A propos du livre blanc sur la défense », 2 juil. 2008 : http://www.mrc-france.org/A-propos-du-livre-blanc-sur-la-defense_a25.html. L’approche est identique en 2013 : Livre blanc 2013, pp. 54-56.

[60] Groupe Surcouf, « Livre blanc sur la défense : une espérance déçue », Le Figaro, 18 juin 2008. Situation ayant nécessairement pour effet « un rythme d’emploi soutenu, indifférencié, affectant des unités aux équipements vieillissants, dégradant leur niveau de préparation opérationnelle », ibid. Ce constat restant d’actualité.

[61] Littéralement : Frappe et Transfère… à d’autres. Audition de l’Amiral Edouard Guillaud par la Commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, 11 sept. 2013 ; v. : http://www.lopinion.fr/blog/secret-defense/hit-and-transfer-nouvelle-doctrine-francaise-4434.

[62] Le Livre blanc 2013 a été remis le 29 avril 2013 ; dans les pages consacrées aux modalités de nos interventions militaires (pp. 82-85), rien ne fait ne serait-ce que mentionner ou effleurer le concept du hit and transfer !

[63] Synopia analyses, « Du LIVRE BLANC et de son décryptage… », http://www.synopia.fr/?p=702.